En septembre 2011 j’ai été contacté par Fabrice Schnoller que j’avais rencontré quelques mois auparavant pour un participer à une opération de marquage de requins mise en place par la Federation Française d’Etude et de Sports Sous-Marin. Cette initiative privée a été mise en place suite à la vague de morsures de requins qui a touché la côte Nord-Ouest l’île de la Réunion durant la première partie de l’année 2011: cinq accidents dont deux mortels touchant surfeurs et baigneurs.
Cette initiative avait une double motivation, la première était de recueillir des données permettant de mieux comprendre la population des requins de cette portion de la côte Réunionnaise jusque là épargnée par les accidents impliquants de requins.
La seconde avait un rôle plus éducatif auprès des usagers de la mer en leur montrant le requin d’une manière différente.
Aussi, en venant de l’extérieur je peux avoir une vision plus objective d’une situation qui a pris un aspect passionnel au niveau local.
Je suis donc arrivé le16 novembre et dès le lendemain je me suis mis à l’eau pour explorer la zone. Guidé par Guy Gazzo dont la parfaite connaissance des fonds de l’île n’a d’égal que sa dévotion à la pratique des activités subaquatiques depuis plus de 50 ans.
Quelques jours plus tard nous sommes rejoins par William Winram que j’ai convié à participer à l’opération. William et moi travaillons ensemble sur les marquages de requins depuis plusieurs années.
Parallèlement au marquage organisé par la FFESSM, une opération de marquage de plus grande envergure chapeautée par l’IRD et un pool de scientifiques a été lancée.
Ils utilisent une autre méthode pour marquer les animaux.
Nous les marquons en apnée en allant à leur rencontre pour d’abord les observer dans leur milieu naturel et pourvoir recueillir des informations supplémentaires telles que la présence d’un ou plusieurs autres requins ainsi que tout détails sur leur comportement.
Les chercheurs de l’IRD ont quant à eux choisi une méthode consistant à capturer les requins avec des lignes de pêche pour les ramener à la surface, ensuite les immobilisent et enfin les marquent en leur implantant une balise après une petite intervention chirurgicale.
Avant d’arriver à la Réunion je m’attendais à rencontrer peu de requins et particulièrement peu de requins bouledogues (Carcharinus leucas) qui sont les suspects potentiels de ces accidents bien que personne n’ait pu nous dire officiellement quelles était les conclusions des constatation médico-légales et ce même plusieurs mois après les faits.
Ces informations étaient à mon sens importante pour la suite des opérations.
Simplement connaitre l’espèce incriminée aurait été nécessaire, divulguer cette information ne donnerai pas lieu à une polémique sur un éventuel secret médical etc.
Après dix-sept jours le bilan direct de nos journées en mer est maigre, aucun requin n’a été marqué!
Petite pause à ce stade du le récit pour expliquer mon parcours dans le domaine de l’étude des requins.
En 2005 j’ai été contacté pour rejoindre une équipe internationale de scientifiques pour marquer une cinquantaine de requins marteau à festons en Colombie dans les eaux de l’île Malpelo.
Ils avaient fait appel à moi en tant qu’apnéiste, pécheur sous-marin et surtout ma connaissance des requins dans leur milieu naturel. En tant que photographe sous-marin je pouvais également documenter la mission.
Durant cette mission je me suis formé à la coopération avec les scientifiques:
nous sommes complémentaires, ils apportent la connaissance pure et la méthodologie, pour ma part, je viens avec l’expérience de terrain, de l’approche des requins ainsi que les conseils et les modifications éventuelles sur le matériel pour optimiser les marquages.
Chacun écoute l’autre et les résultats ne se font font jamais attendre.
En travaillant de cette façon, depuis 2005 nous avons pu marquer en apnée requins blancs (Carcharodon carcharias, grands requins-marteaux (Sphyrna mokarran), requins féroces (Odontaspis ferox)requins marteaux à festons (Sphyrna lewini), requins des Galapagos (Carcharinus galapensis), requins citrons (Negaprion acuditens) etc dans diverses régions du monde.
Penadnat dix-sept jours jours nous avons donc écumé les fonds Réunionais à la recherche des requins bouledogues. Nous avons déterminé quelques «spots» privilégiés pour ces recherches: les abords des Roches Noires à quelques centaines de mètres du port de St Gilles et la baie de St Paul.
Pourquoi ces endroits me demanderez-vous? Tout d’abord parce ce sont les seuls qui nous ont été accessibles dès le début de la mission car une interdiction des opérations de marquage est d’application dans la zone de la réserve marine alors que les accidents y ont eu lieu. Cette interdiction sera néanmoins levée vers à la fin de notre séjour.
Ensuite parce que ces deux zones nous paraissent tout simplement les plus propices.
Comment déterminer si une zone est propice est une évidemment une question très intéressante.
Pour ce faire, on doit étudier la zone des accidents dans son ensemble. Le périmètre sur lequel il faut se pencher s’étend à mon sens entre la baie de St Paul et Trois Bassins.
Dans cette zone on trouve tout ce qui caractérise l’habitat des requins bouledogues:
– Une baie dans laquelle se jettent plusieurs cours d’eau douce et surtout dans laquelle le trop plein d’un étang de grandes dimensions est régulièrement déversé.
Cette baie est également un terrain très propice à abriter les nurseries de plusieurs espèces des requins. Au milieu de cette baie, une ferme aquacole est établie depuis une quinzaine d’années.
- Une portion de côte alternant rochers et plages qui s’étend du cap la Houssaye à la pointe des Aigrettes. C’est d’ailleurs dans cette zone qu’a eu lieu le dernier accident mortel. La victime surfait devant la très fréquentée plage de Boucan.
- Une zone de plage de sable allant de la pointe des Aigrettes au port de St Gilles. Ce port abrite plusieurs bateaux de pêche professionnelle ainsi que de nombreux bateaux de pèche sportive. Peu après la sortie du port, sur la droite on trouve quelques bancs de sable. Une ravine d’eau douce se trouve également à proximité du port et des plages.
- Enfin la zone s’étendant du port de St Gilles à la Saline les Bains. Une ravine se jette dans l’Océan dans les environs de la passe de l’Ermitage.
- Il est également utile de préciser qu’une réserve marine court sur la partie de zone s’étendant entre le cap de la Houssaye à Trois Bassin.
le requin bouledogue a une réputation détestable, il est très souvent incriminé dans les accidents mortels et il serait même au sommet du «hit parade» des méfaits sur les humains devançant les fameux requins blancs et requins tigres.
Particularité importante du requin bouledogue, il a régulièrement besoin d’eau douce entre autre pour se déparasiter, ce qui a assis sa réputation de rôdeur qui remonte les rivières et apprécie les eaux turbides et saumâtres. On voit ici pourquoi la zone correspond à un biotope propice pour lui.
Ayant eu l’occasion de plonger avec les requins bouledogues en différents endroits, je me suis rendu-compte qu’ils était surtout imprévisibles: soit extrêmement timides et pratiquement inapprochables, soit plutôt nerveux et tendus.
Mais il m’a également été possible en utilisant des appâts pour les fixer, de plonger régulièrement pendant plus d’une heure avec jusqu’à 7 requins bouledogues plutôt paisibles en Afrique du Sud.
Les requins bouledogues que nous avons rencontré lors de nos sorties à la Réunion sont timides, très très timides mais présents.
Sur sept sorties aux abords des Roches Noires, six ont été fructueuses et cinq individus différents ont été identifiés, deux femelles assez massives de pratiquement 2m50 de long, deux mâles plus petits et un individu mesurant plus de 2m, de sexe indéterminé mais qui a l’aileron dorsal coupé en biais et qui n’a été observé qu’une seule fois.
A l’exception de la dernière sortie sur laquelle je reviendrai, ces requins ne se sont jamais approchés à moins de 10 ou 12m des apnéistes et ce malgré les appâts sonores et réels. Ils ne restent que quelques secondes et puis disparaissent pour de bon.
Sur 8 sorties en baie de St Paul nous avons observé une seule fois un groupe de 3 individus: une grosse femelle de 3m environ accompagnée de 2 mâles d’une taille comprise entre 1m80 et 2m20 environ.
Lors d’apnée à la limite de la zone de la ferme aquacole j’ai pu tenter un tir de marquage à 35 de profondeur mais à la limite de portée avec une arbalète dont la puissance était fortement réduite par l’écrasement du sandow propulsant la flèche à cette profondeur, la balise n’a pas pu être placée sur l’animal mais a été récupérée.
Enfin, devant la plage de Boucan, lors d’une sortie de trois heures, un individu est passé furtivement à la limite de visibilité sans demander son reste.
Lors de la dernière sortie qui a été effectuée sur la zone des Roches Noires, nous avons utilisé une méthode un peu plus «musclée».
En action de chasse sous-marine nous avons tiré à intervalles réguliers des poissons. Au bout de 20 minutes nous avons eu la visite d’un premier requin bouledogue et après quarante cinq minutes, ils étaient 4.
En découpant les poissons et les envoyant au fond nous avons pu plus ou moins fixé les requins. Ceux-ci sont resté plus de quatre heures avec nous mais restaient assez craintifs. Nous avons pu faire deux approches pour tenter un marquage, malheureusement, les balises n’ont pu être fixées, la peau de cette espèce étant nettement plus dur que prévu….!
Ce genre de détail technique se règle en général dans les premiers jours de campagne, or cette fois-ci, aucun «contact» n’a pu être établi avec les requins avant la fin du séjour pour tester la pénétration dans ces conditions.
Jamais avec une autre espèce de requin nous n’avions eu ce souci. Il faut savoir que pour marquer un requin, je déclenche mon tir à environ 1m50 de l’animal, et jusqu’à présent j’étais plutôt stressé à l’idée de les blesser. Ici, si je devais recommencer, je montrai un double sandow pour propulser la flèche et ainsi marquer l’animal. Une première, car même sur un requin blanc de 5m20 et un grand requin marteau de 4m50, la flèche pénètre aisément avec un seul sandow. Ici aussi, les balises ont été récupérées après les tirs manqué.
Voici le lien pour la vidéo de la tentative de marquage: http://vimeo.com/33199764
Voici donc le moment pour moi de donner mon avis sur la situation, tant celle des morsures/accidents qui ont eu lieu que sur celle actuelle et future.
Je commencerai par la situation actuelle.
Aussi peu d’observations de requin, est vraiment étonnante.
Mis à part ces 8 requins bouledogues, aucun autre requin n’a été observé! Pas même un petit requin pointe blanche de récif. En plus de 25 ans de plongée en eaux tropicales je n’ai jamais observé si peu de requins lors d’un séjour dédié à leur recherche.
Je pense que les requins sont ou ont été fortement dérangés et/ou perturbés ces derniers temps.
Les requin ont des structures sociales assez complexes et une intervention humaine peut les influencer notablement.
Ainsi la capture d’un ou plusieurs individus au sein d’un petit groupe suffit à le déstabiliser. Ceci pourrait expliquer l’absence de succès des marquages tant en apnée qu’en action de pêche: les requins seraient devenus méfiants. Je pense également que les marquages en action de pêche ont un impact sur le comportement des requins.
En discutant avec des plongeurs locaux qui observent des requins bouledogues sur la zones, j’ai pu entendre qu’ils peuvent parfois disparaître pendant plusieurs mois.
Bien qu’ils se fixent sur une zone, ces animaux peuvent parcourir des distances de plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver de la nourriture.
Il semble donc que leur présence sur la zone est assez aléatoire. D’où l’utilité de continuer les marquages par les deux méthodes qui permettront à moyen et long terme de mettre cela en évidence.
Mon avis sur les morsures:
Pourquoi ces morsures et accidents? C’est évidemment la question à 50 millions d’€…
Je parle toujours de morsures et non pas d’attaque. Si l’on prend le mot «attaque» au sens étymologique du terme, on aura une définition parlant d’agression délibérée. Or je ne pense pas que les requins nous en veuille autant que ça. Leur comportement peut avoir une motivation alimentaire voire territoriale mais cela s’arrête là.
En arrivant à la Réunion et après avoir repéré la zone, j’ai tout de suite dit que je n’irai pas y surfer ou m’y baigner sans masque, palmes et combinaison ou sans quelqu’un en surveillance directe dans l’eau. William Winram qui est surfeur depuis près de 30 ans à eu exactement la même réaction lorsque nous lui avons fait faire le tour des plages au large desquelles avaient eu lieu les accidents.
Donc c’est ici que je ne vais pas me faire que des amis: je crois que le fait qu’il n’y ait pas eu d’accidents avant sur cette zone est de la juste beaucoup de chance et qu’il y ait eu une vague d’accident en 2011 est un manque de chance.
Simpliste évidemment mais je vais essayer d’expliquer mon point de vue.
Le biotope d’abord, idéal pour les requins-bouledogues avec aussi le port de St Gilles dans lequel des carcasses de poissons trainent en nombre et ce à quelques centaines de mètres des plages…
Ensuite, le comportement des surfeurs/baigneurs. Et c’est là qu’est le problème si problème il y a. A ce propos je persiste à dire qu’il n’y a pas de problème, juste un malheureux concours de circonstances et cela sans stigmatiser les surfeurs.
De nos jours, les gens vont à la mer comme ils vont au supermarché.
L’Océan est devenu un lieu de consommation massive.
Nous ne nous rendons plus compte que c’est un milieu naturel et non-sécurisé.
La hausse de la fréquentation augmente d’autant la potentialité de rencontre plus ou moins funeste.
Il en est de même pour d’autres milieux naturels dans lesquels sont pratiquées des activités de loisir tels que la montagne voir les airs.
Au delà de cela, du point de vue comportemental du ou des requins impliqués, il pourrait y avoir plusieurs facteurs entrant en compte.
Les requins bouledogues peuvent agir en groupe et cela se confirme dans le dernier accident où les sauveteurs ont pu observer plusieurs individus s’acharner sur la victime. On a eu là affaire à une vrai prédation.
Pourquoi un tel comportement alimentaire?
Peut-être un requin affaibli ou diminué physiquement qui aurait du mal à s’alimenter de manière «normale»?
On observe souvent des requins avec la mâchoire fracturée, un handicap physique important causé par une blessure.
Un tel animal aura tendance à s’intéresser à des proies plus faciles. Le surfeur ou le baigneur entre bien entendu dans cette catégorie.
En affinant le raisonnement, si ce requin affaibli a un rôle social important au sein de son groupe et que son handicap ne lui a pas encore fait perdre cette influence on a un embryon d’explication pour une prédation impliquant plusieurs individus.
Pour ma part, c’est une hypothèse à laquelle j’ai pensé et qui est plausible mais je lui en préfère une autre.
Cette autre raison pourrait être plus simple et concernerait un ou plusieurs requins en parfaite santé.
Si on écoute les anciens, les pêcheurs et les gens fréquentant régulièrement la mer, on réalise que la baie de St Paul a toujours été fréquentée par les requins et qu’elle constitue une nurserie pour certaines espèces.
Les femelles en gestation ont de plus grand besoins énergétiques et pourraient-être quelque peu gênées par leur état dans leur quête de nourriture. D’où l’opportunisme qui consiste à attraper une proie facile.
D’après des infos que nous avons pu recueillir, il semblerait que la période pendant laquelle les accidents ont eu lieu correspondrait à la périodes s’étendant à la gestation et de mise bas des requins bouledogues. A vérifier bien évidemment.
Maintenant le plat de résistance, quelles conclusions tirer de tout cela et quelles solutions pour le futur?
Un court paragraphe pour dire ô combien faire notre travail à la Réunion a été compliqué.
William et moi avons travaillé avec des équipes dans pas mal de pays et tout a toujours été mis en oeuvre pour que ses missions déjà intrinsèquement difficiles soient effectués dans les meilleurs conditions.
Ici, entre intérêts politiques et économiques, médiatiques, chacun veut une solution miracle, le tout dans un climat tendu. Mais il ne sert à rien de polémiquer là dessus, il serait bon de voir tout le monde travailler de conserve sur ce dossier. Toutes les bonnes volontés sont importantes et ce même si on dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Lors d’une réunion avec toutes les personnes impliquée dans la gestion du dossier le 5 décembre, j’ai pu me rendre compte que les choses prennent une meilleur tournure et que les synergies se mettent en place et c’est une très bonne chose.
Merci toutefois à la FFESSM, à l’association Abyss et à toutes les acteurs qui grâce aux moyens logistiques et techniques qu’ils ont mis à disposition ont permis à la mission de se dérouler jusqu’au bout dans de bonnes conditions de sécurité et d’avoir pu fédérer des personnes réellement préoccupées par la nécessité de trouver des réponses objectives à une problématique concernant beaucoup de monde.
Pour ce qui est de la réouverture des plages aux activités de surf et de baignades, il n’y a pas 36 solutions. Il faut évidement les rouvrir.
L’erreur, à mon sens, a été de les fermer….quelle justification vont donner les responsables pour une ouverture maintenant ou dans 1 an!?! Ils n’auront jamais de réponses précises à ce problème requins!
On a ici une situation ubuesque: d’une part le système Français qui par loi demande à toujours trouver un responsable pénal à un événement ou accident et d’autre part un phénomène impliquant des animaux sauvages évoluant dans leur milieu naturel.
C’est tout bonnement surréaliste.
Capturer tous les requins des environs, en dehors de l’impact désastreux sur l’environnement que cela impliquerait, n’aurait qu’un effet limité dans le temps vu qu’ils seraient rapidement remplacés par d’autres individus. Irréalisable donc.
On va sans-doutes alors essayer de trouver des boucs émissaires qui pourraient faire office de fusibles pour se couvrir un temps en priant qu’après cela les accident n’arrivent plus.
Dans ce rôle on verrait bien par exemple l’élevage de poisson de la baie de St Paul…mais sur toutes les sorties que nous avons effectué sur ces installations en place depuis des années nous n’avons vu que 3 animaux furtifs, on est bien loin de l’enfer sous la mer peuplé de dizaines de requins bouledogues que certains nous avaient décrit.
Espérons qu’un telle chasse aux sorcières n’aura pas lieu et qu’à nouveau des concertations aient lieu.
Pour ce qui est des propositions concrètes, j’en vois une qui fonctionnerait bien et je suis loin d’être le seul à penser de la sorte.
Parmi les usagers de l’espace côtier, ils y a les «usagers faibles face aux requins» qui regroupent les surfeurs, nageurs et baigneurs. L’autre groupe d’usagers est constitué par les plongeurs, les apnéistes et les chasseurs sous-marins.
Pourquoi cette distinction? Le premier groupe a un comportement passif face au requin alors que le second a la possibilité d’être proactif grâce à la vision sous-marine que leur procure le masque de plongée.
Je m’explique: un baigneur ou un surfeur flotte à la surface parfois de longues minutes et pendant ce temps, le requin peut jauger cette proie potentielle sans que celle-ci n’en ait conscience.
Après un temps, le requin aura juger qu’il était possible de déclencher une morsure d’investigation ou une prédation.
Là ou un plongeur pourra montrer au requin qu’il est repéré, l’usager faible est extrêmement vulnérable.
En adoptant ce comportement proactif, il est possible de plonger de longs moments avec toutes les espèces de requins en relative sécurité bien qu’il ne faille jamais perdre de vue qu’il s’agit d’animaux sauvages et il faudra rester vigilant en leur présence en toute circonstances.
Avant la mise en place de la réserve marine la présence de chasseurs sous-marin créait une «occupation de terrain» que les requins n’apprécient pas.
Une partie de la solution serait donc de se «ré-approprier» le terrain. Je ne propose pas de rouvrir la chasse sous-marine et d’ainsi réduire les efforts de protection de l’environnement marin, mais plutôt de mettre en place par exemple des patrouilles de plongeurs en apnée qui pourraient parcourir la zone pour asseoir une présence humaine active.
L’activité de plongée en scaphandre dans cette zone ne suffit pas car les plongeurs ne sont pas assez mobiles dans la colonne d’eau et ils ne couvrent pas des distances importants lors de leurs immersions.
Ces patrouilles pourraient-être formée par des personnes ayant l’habitude de côtoyer les requins et qui les mettraient en contact direct avec ces animaux (pas simple à la Réunion…)pour leur faire réaliser les différences de comportement. Ces formations pourraient concerner les usagers mais surtout les professionnels de la mer tels que les MNS, moniteurs de plongée, de voile etc.
Tous les ans William et moi emmenons des gens plonger avec les requins de toutes espèces. Il y a un mois, juste avant de venir ici à la Réunion, nous avons fait plonger huit personnes de tous niveaux avec les grands requins blanc sans cage.
Après avoir reçu quelques notions de base sur ces animaux, les avoir vu dans leur milieu naturel et les avoir côtoyé quelques jours, le regard des participants n’est plus le même sur l’animal, mais il faut le réaliser par soi-même, repenser le requin autrement.
L’utopie ultime serait que les surfeurs s’entendent entre eux pour alterner le rôle de vigile sous-marin avec les sessions de glisse.
J’imagine que certains me prendront sans doutes pour un fou de proposer ce genre de solution…
En tous cas, face à un changement dans une situation établie depuis longtemps et considérée comme un acquis, il faut pouvoir s’adapter.
L’humain arrive à s’adapter à ces changements mais cela peut prendre du temps.
On arrive enfin au bout de ce compte rendu. Je voudrais terminer sur le rôle de la liberté individuelle et de la responsabilité collective qui sont indissociables.
Dans les pays qui voient leur côtes régulièrement frappées par des accidents mettant en cause des requins ont aborde en général cela d’une manière simple: on informe, met en garde et puis on laisse à l’individu le droit de choisir de se mettre à l’eau ou pas. Personne d’autre qu’eux ne sera tenu pour responsable en cas d’accident.
Ainsi en Afrique du Sud ou en Australie on trouve sur les plages des panneaux énonçant les dangers et les comportements à adopter. Cela responsabilise les usagers et les incitera à se documenter, voir suivre une formation pour mieux comprendre ces dangers et y faire face. Il y a tous les ans des accidents mais les usagers ont intégré cela dans leur pratique et vivent avec.
Et cela ne se limite pas aux requins, en Australie des méduses aux toxines extrêmement puissantes, les «box jellyfish» tuent chaque année plus de baigneurs que les requins! Ferme-on les plages pour cela? Bien évidement non, on informe et on responsabilise encore, aux usagers de décider.
Je compare souvent cela au permis bateau: au Royaume Uni, il n’y a pas d’obligation de passer un permis mais personne ne se risque en mer sans s’être formé et sans avoir acquis de l’expérience alors qu’en France, on vous bassine qu’après avoir passé un «permis» suivant deux ou trois jours de formation vous êtes capable de prendre la mer aux commandes d’un monstre de plusieurs centaines de chevaux…
Enfin les médias ne devraient pas sombrer dans le cliché des Dents de la Mer. Il est nettement plus facile d’utiliser des images de requins gueule béante et de jouer sur la peur primaire plutôt que de faire un travail journalistique documenté qui montre le vrai visage de cet animal.
Donc pour conclure, à tous les usagers de la mer, responsabilisez-vous, fonctionnez au bon sens et ne chercher pas un coupable là où vous n’en trouverez pas.
Faites tout pour que l’Océan reste pour longtemps un des derniers espace de liberté qui s’offre à nous. Cela est est devoir et une responsabilité collective.